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L'Esprit et la Lettre

Revue N° 23 Page 15

Il me fallait élargir le nombre de mes cols de "+ de 2000m". La proximité d'Andorre m'en offrait l'opportunité.

Avec mon fils de 17 ans, nous avions décidé d'enchaîner le col d'Ordino (1989m), le Port de Rat (2363 m) aller et retour avant les ascensions cumulées du col de la Botella (2091m) et du col de Cabuc (2300m). Une halte pique-nique avec le reste de la famille avait été envisagée avant le sommet de la Botella.

Après l'échauffement constitué par le col d'Ordino encore couvert des encouragements aux héros du tour de France passé par là en 1991, la montée sur Port du Rat entama les choses sérieuses. Les forts pourcentages de la sortie d'EI Serrat nous ramenèrent à la réalité de la montagne.

Conscient de la longueur et de la répétition des efforts à venir, j'optais pour le 32, cependant que mon fils plus accro de cyclisme que de cyclotourisme n'avait d'autre ressource que d'emmener, voire parfois, d'arracher son 42x22.

La fin de matinée était déjà chaudement ensoleillée mais la montée se fait sans trop de mal... jusqu'au bout de la route. Car restaient encore 3 kilomètres de chemin empierré, moins difficiles d'ailleurs que l'ascension précédente. Un essai scabreux sur les 300 premiers mètres - risque de crevaisons ou de chutes - nous fit mettre pied à terre et m'interroger.

Une semaine plus tôt, nous avions gravi le col de Pradelles qui a l'énorme contrariété pour un adhérent du club des 100 cols de culminer à 1986m. Poursuivant nos efforts, nous avions l'extrémité de la route à la cime de Coma Morera (2205 m) mais ce n'est pas un col. Or moins d'un kilomètre avant le sommet existe sur la droite un véritable col, celui de la Bassa (2108m), qu'on peut rejoindre par un chemin d'alpage de 700 m environ. Déjà j'avais hésité à emprunter cette voie pour laquelle un vélo normalement constitué de cyclotouriste n'était pas fait. Les 3/4 du parcours sur le vélo, 1/4 à pied, j'y allais.
La situation m'avait laissé insatisfait. Effectivement, quand on est adhérent aux 100 cols, il faut respecter les 2 objectifs: franchir des cols et surtout être cyclotouriste. Ce jour-là je m'étais senti bien plus cyclotouriste en me hissant à la force des jarrets et des pédales jusqu'à la cime de Coma Morera, plus élevée, qu'en poussant parfois mon vélo pour pouvoir annoncer officiellement et honnêtement sur ma liste de fin d'année que j'avais franchi à bicyclette le col de la Bassa.

Me remémorant cet épisode précédent, je choisis finalement de ne pas escalader la fin de Port de Rat. La chose aurait été possible avec un vélo spécialement équipé mais il ne m'intéresse pas d'avoir un vélo spécial montagne, style VTC ou VTT que je n 'utiliserais que 2 semaines par an. Alors nous pourrions bien sûr pousser notre vélo, quitte à remonter sur les derniers mètres. Mais franchement non, la situation nous paraissait incongrue (le Bassa, ça avait suffit).

Certes, en respectant la lettre, nous avions ajouté un plus de 2000 m à notre actif mais conservionsnous encore l'esprit ?

Privilégiant le cyclotouriste au chasseur de cols, dans l'impossibilité que nous étions d'effectuer la montée complète sur notre vélo, nous fîmes demi-tour et après une descente revivifiante sur Ordino et la Massana nous rattrapâmes dans l'ascension elle aussi très exigeante du col de la Botella.

Le pique-nique familial nous ayant reconstitués nous poursuivîmes tant bien que mal avec nos développements respectifs jusqu'au col, récompensés par une vue superbe. Et cette fois, au terme de 5 nouveaux kilomètres de moins en moins goudronnés mais tout à fait praticables nous atteignîmes sur nos bicyclettes le col de Cabuc (2800m).

Et celui-là pas de doute, nous pouvions l'inscrire, nous l'avions "eu" dans la lettre et dans l'esprit.

Yannick HINNOT N°3759

Mazé (Maine et Loire)


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