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BALADE EN PAYS BASQUE

Revue N° 07 Page 22

Pour qui n'a pas parcouru ses chemins perdus, pentus et rocailleux, le Pays Basque se résume à des images quasi-féeriques où, tour à tour, la montagne dénudée et granitique contraste avec la sylve et les vallées profondes des Pyrénées Occidentales aux cimes peu élevées. Une montagne qui recèle toujours des bruits, des chuchotements, des odeurs, des senteurs, des voix, dans laquelle les cyclotouristes, ivres de la nature, y trouvent leurs joies mais aussi leurs peines en escaladant les difficultés successives des cols euskariens aux pourcentages ahurissants.

Pour Henri et Roger, c'est la deuxième journée passée sur leur petite reine, à l'ombre des vols de palombes, des frontons et des chisteras, afin d'effectuer une randonnée permanente dans la province basque de la Soule, avec pour point de départ Tardets-Sorholus, petite bourgade bien connue des cyclo-montagnards1.

Sur l'itinéraire, beaucoup de cols et de grimpées judicieusement choisis pour leurs difficultés dans une contrée agreste, sauvage où le touriste entre en pleine nature. C'est un contact direct avec la beauté des sites, la rigueur et la sévérité de la pente. Nous pédalons sur les entiers que Pierre Loti fit naguère emprunter à Ramuncho. Ce sont des passages presque perdus, des sentes juste goudronnées, à peine mentionnées sur les cartes routières par de petits tirets.

Pour nous, voisins de cette contrée, les difficultés sont multiples puisque, outre celles géographiques (abrupt des pentes), nous ne comprenons pas le dialecte des autochtones tandis que nous avons du mal à prononcer et à retenir les noms des cols que nous franchissons.

Après la vallée du Sorkachegy, nous escaladons les dures rampes du col d'Orgambideska où votre serviteur peine énormément. C'est le "coup de pompe" mais aussi le "coup de foudre" car le décor basque est beau et serein, mystérieux et souriant mais combien charmant et prenant. Henri lui, tel un écureuil, s'est envolé et je sais qu'il m'attend dans le très beau complexe de la forêt d'Iraty où il est arrivé en chantonnant.

Ce sont les touristes qui le disent. Il est vrai que mon ami est un grimpeur né. On ne s'improvise pas grimpeur. On le devient si les dieux du sport daignent vous faire signe. Pour Henri, ce signe est venu.

A Behorleguy, après le contrôle chez Monsieur le Maire (qui se prépare à marier sa fille en ce jour), nous repartons pour la dure ascension du col de Landerre. Mon compagnon grimpe devant moi. Son coup de pédale est leste, léger, souple, aérien. Ses muscles saillants et seyants, fuselés et longiligne, mettent ses jambes en évidence. Le buste altier, l'allure fière mais très aisée, le sourire et la joie sur le visage, mon ami cyclo ne pousse pas sur les manivelles. Pourtant, il gravit allègrement la pente très raide. Même avec son 30 X 30, à plus d 18 %, il enroule avec de la grâce dans les mouvements.

Sa voix me rappelle brusquement à la réalité et ma rêverie 'efface. En extase, je ne sentais plus mes efforts car mon copain, qui ne veut plus me distancer, parle et raconte des anecdotes vélocipédiques.

Jusqu'à ce jour de 1978, je n'avais jamais éprouvé autant d'admiration, autant de joie de voir pédaler un cyclo que pourtant je connais depuis vieille date. Il aura fallu qu'un beau jour, je le décide à venir effectuer ce brevet de grimpeur2.

Là, devant les difficultés des cols du Pays Basque, je me suis souvent posé une question. A savoir s'il existe, chez les cyclotouristes, une vraie race de grimpeurs ? Je l'ai bien constaté car notre "menu à la carte" était bien à "la sauce basquaise".

Inutile de rappeler que le Pays Basque est très beau, que nous avons été enchantés de notre séjour, que nous gardons d'excellents souvenirs dont certains sont gravés sur pellicule. D'ailleurs, à la demande d'Henri, nous reviendrons escalader les cols du pays de Ramuncho. Au fait, j'allais oublier de vous dire qu'Henri aura, à la parution de ces lignes, soixante quatorze printemps et, que depuis cette année, il vient d'entrer au club si cher à Jean Perdoux, je veux dire dans la Confrérie des Cents Cols.

Roger DUPUY

Lannemezan (65)

1 - Tardets est bien connu des cyclotouristes qui effectuent Bayonne-Luchon, puisque c'est un lieu de contrôle.

2 - Brevet de grimpeur Souletin organisé par l'U.C. Tardets-Sorholus.


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