Revue N°3 page 37

EXISTE-T-IL UNE RACE DE GRIMPEUR ?

par Pierre DUBOCS de Mazamet (81)

 


    On est toujours surpris de voir certains cyclistes qui se déplacent avec facilité sur le plat, peiner plus que d'autres quand il s'agit de grimper une longue côte ou un co1. Par quel miracle est-on "grimpeur" ? Suffit-il d'être un petit gabarit pour être classé dans cette catégorie ?

    Les lois de la mécanique théorique nous apprennent que sur le plat, le poids que doit porter un cycliste n'a presque pas d'importance. Compte tenu du coefficient de roulement, il intervient pour moins de 2%. Si on compare un cycliste qui pèse 80 kg avec un autre de 60 kg, l'effort supplémentaire du premier représente moins d'un kg ; mais comme il doit avoir des jambes plus puissantes, il tire avec aisance cette charge supplémentaire.

    Par contre, plus la route s'élève, plus le pourcentage de la charge à entraîner augmente. Ici, la force musculaire des jambes des deux cyclistes n'est plus comparée directement ; elle intervient par rapport à la charge à grimper. C’est-à-dire que deux cyclistes de poids différent doivent monter aussi vite si le rapport poids-du-cycliste/puissance-des-jambes est le même pour les deux.

    Autrement dit : si le plus léger de nos deux cyclistes exerce une force de 12 daN (un decaNewton égale un peu moins d’un kg) sur les pédales et pour une pente donnée, l'autre doit appuyer avec une force de 14 daN, avec la même cadence de rotation des jambes, si il veut monter aussi vite. Cela est possible puisque le poids lourd est plus puissant et que son poids ne doit pas le gêner pour avoir la même cadence de rotation ; cette dernière dépend de la souplesse et de l'entraînement.

    Malheureusement, l'expérience ne semble pas confirmer que seul le poids du cycliste (charge minimum à grimper) permet d'être meilleur grimpeur, à force égale sur le plat. 

Quelques exemples :

    Pour monter de Luchon à Superbagnères contre la montre en 1962, le grimpeur Bahamontès a mis quinze minutes de moins que Vannisten, le rouleur. Cet écart se retrouvait souvent dans les cols. Pourtant ce dernier coureur était plus léger que le réputé grimpeur et il roulait au moins aussi vite sur le plat.

    Dans un même club cyclo, en 1973, il y a deux dames qui roulent a peu près pareil sur le plat ; elles ont le même entraînement, mais un poids nettement différent. Celle de 62 kg réalise la grimpée d'un test en 50 minutes, alors que celle de 48 kg met 1 h 10 mn pour la même montée ; pourtant, cette dernière a un velo de course de qualité équipé en "bons" braquets.

    Si ces exemples semblent contredire les calculs théoriques, c'est que dans le sport cycliste, et plus particulièrement en côte, ce ne sont pas les jambes seules qui sont en action. Nous nous en apercevons puisque, dans les côtes plus qu'ailleurs, nous sentons l'effort qu'il faut exercer sur les bras.

    En plus des bras, des jambes et des intermédiaires : abdominaux, reins, etc... ce sont sûrement le travail du cœur et les facultés d'oxygénation qui font la différence entre les grimpeurs. Dans nos montées chronométrées, nous le sentons bien : en même temps que les jambes, nous sommes limités par notre capacité respiratoire. Ici, comme pour la puissance des jambes, la comparaison ne peut pas être directe. L'indice de Demeny, qui permet d'établir un barème, divise la capacité vitale (en centilitres) par le poids (en kgs). Mais déjà, les recherches médicales vont plus loin, puisque la capacité vitale est remplacée par la notion de débit, toujours divisé par le poids.

    Cette étude est sans prétention, mais nous pouvons affirmer que ce sont toutes les qualités qui permettent de déterminer un athlète du sport que l’on retrouve chez un grimpeur. Nous savons que le sport cycliste est un des plus complets, mais il faut reconnaître que c'est dans les montées qu'il atteint son maximum. Ici, pas besoin de créer de catégories de poids, puisque chacun d'entre-nous doit avoir les "moyens" par rapport à son propre poids.

    Aussi, les montées cyclistes chronométrées dépassent largement le cadre du simple classement. Ce sont de véritables tests athlétiques complets, c'est l'indication du thermomètre "forme".

    Bon nombre d'entre-nous, randonneurs cyclos, aiment prendre de temps en temps la "température" de leurs moyens. Dans les régions où la topographie du terrain le permet, des tests chronométrés se font sur de dures et longues côtes. Ce n'est pas le spectacle que nous recherchons, mais nous aimons éprouver nos qualités athlétiques.

    Bien sûr, le nombre de ces tests doit être limité, mais soyons fiers des grimpées de prestige : Mont Ventoux, Col du Grand Bois, Puy de Dôme, Aubisque, Pic de Nore, Somport, Superbagnères, Mont du Chat, Mont Revard, Montagne de Lure, etc...

Elles ne peuvent que nous aider à démontrer que notre sport est un des plus complets et des mieux équilibrés.

    Pour ceux qui, par manque de goût, de moyens, d'entraînement ou autres raisons, ne veulent pas faire ces tests, qu'ils sachent que nos montagnes valent la peine de faire des étapes plus dures, même si elles doivent être plus courtes.

Pierre DUBOCS.