Le Chaberton, 3136m,  un « must » accessible à VTT

 

Le col et le Mont du Chaberton sont raisonnablement accessibles à VTT en dépit des 1900m de dénivelée qui en défendent l’accès côté Italien. La piste a été refaite avec soin jusqu’au kilomètre 10. Le 11ème et dernier kilomètre jusqu’au col le sera peut-être bientôt. Les 3 derniers kilomètres jusqu’au sommet sont très faisables à pied à la montée, essentiellement cyclables à la descente si on est un descendeur expérimenté.

On murmure à Montgenèvre qu’une remontée mécanique pourrait y donner accès dans l’avenir…..allez y donc avant que le charme de l’isolement et le parfum d’aventure qui se dégagent encore sur ce parcours, soient définitivement  disparus. Il est dommage de ne viser que le col : faites preuve d’ouverture et de désintéressement et hissez vous jusqu’au sommet, vous ne le regretterez pas !

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Longitude : 06° 45' 04'' E - Latitude : 44° 57' 52'' N

L’histoire

Le Mont Chaberton est un sommet remarquable. Proche de la frontière italienne, il domine fièrement Montgenèvre

  
Montgenèvre dominé par le Chaberton         Versant Sud, au dessus de Clavière

et Cesana, il se voit de loin. Sa face Sud paraît inaccessible, comme d’un seul jet sur 1500 mètres  Avant la deuxième guerre mondiale, le Mont Chaberton était italien et sa face nord relativement accessible en pente douce et sa situation stratégique avaient donné l’idée à l’armée italienne d’en équiper le sommet avec un fort armé de puissants canons.


Vue depuis le col des Trois Frères Mineurs

Citons Wikipedia :

« Avant la seconde guerre mondiale, les troupes italiennes y ont construit une batterie de huit tourelles surmontées de canons, tournées vers la France et Briançon défendant ainsi le passage du col de Montgenèvre. Pour cela, les soldats et ingénieurs ont réalisé une route depuis le village de Fenils (Val de Suse) et ont "abrasé" le sommet du Chaberton afin de créer un glacis défensif des tourelles. Le fort, parfois surnommé, "fort des nuages", faisait l'orgueil des militaires italiens, et était réputé, à l'époque, comme le plus haut et l'un des plus puissants du monde. Quelques jours après l'entrée en guerre de l’Italie, en juin 1940, guidés par les observateurs du fort du Janus, la batterie italienne fut détruite par les tirs de l'artillerie française (154e Régiment d’Artillerie de Position). A l'issue de la guerre, le vallon des Baisses, le sommet du Chaberton et la batterie furent annexés par la France, déplaçant, de fait, la frontière à l'entrée du village italien de Claviere.

Le fort fut construit à partir de 1891, à grand effort de main d’œuvre. La piste actuelle a été ouverte vraisemblablement pendant cette période pour y hisser hommes et matériel, un téléphérique y a été installé. Au total 8 canons de 149, perchés sur huit tourelles de maçonnerie surplombant une caserne de 113 m sur 18….

Au début de la guerre de 1939-45 ce fort italien ennemi était une des préoccupations majeures du commandement français, qui installa des mortiers de 280 masqués à contre pente des observateurs italiens (sous le col du Gondran), et des observatoires (au Janus). A l’ouverture des hostilités, l’artillerie française réussit alors l’exploit de détruire, le 21 juin 1940,  les batteries du Chaberton et son dépôt de munitions grâce à une science balistique parfaitement au point (tir parabolique à 10 km de distance sur une cible de quelques dizaines de mètres !), en trois heures trente et cinquante sept coups au but, ruinant ainsi instantanément des années d’efforts. Les batteries du Chaberton se tairent donc à jamais. On imagine que  ce fait d’armes motiva l’annexion du Mont à la France en 1945.

On a compris de cette histoire que la route d’accès était du côté italien. Seul un sentier « S3-S4 » permet d’y accéder à partir de la cote 2177, côté français, après une bonne piste qui monte de Montgenèvre.

 

La montée du col (2674m)  et du sommet

On quitte donc la route nationale quelques kilomètres au nord de Cesana-Torinese pour s’engager sur la petite route revêtue de Fenils. Si on est venu de France, la descente de 8 km du col du Montgenèvre est à effectuer, descente rendue peu agréable et dangereuse par le trafic automobile et les nombreux et longs tunnels.

Au pont avant Fenils qui marque le début de la montée, nous sommes à l’altitude de 1230m. D’emblée, la pente est là. Aucun répit sur les 11 km qui mènent au col (leur moyenne est à 13%, il n’y a rien à moins de 8-9…). Il faut s’armer de détermination.

Très vite juste après Fenils (1276m) la route bitumée laisse place à une piste en terre tassée assez roulable. Certains passages plus caillouteux vont ça ou là menacer l’adhérence de la roue arrière : ces passages scabreux seront passés avantageusement à pied !

Après encore 2,5 km, on traverse le hameau de Pra Claud (1589m), dont l’entrée est dotée d’un grand  panneau précisant que la piste est interdite à tous les véhicules.


          Pra Claud

Voici ensuite un premier gros empilage de lacets encore environnés de végétation, arborés, toujours rudes, et ….des bancs en bois, régulièrement disposés pour se reposer! Ceci nous mène vers 2000 m, à la traversée d’un torrent, et très vite à la cote 2099, au pied d’un nouvel empilage de lacets : à gauche y démarre d’ailleurs une mauvaise piste à flanc, qui rejoint la « Cresta Nera » et son col S3.

  
Altitude 2000m, le mont côté Nord                                  Altitude 2070

A partir de là l’univers devient complètement minéral, la pente et les cailloux gênent une progression normale, on se hisse progressivement et avec effort  jusqu’à l’entrée du vallon terminal du col. Le débouché dans le dernier vallon, dans ce cadre d’éboulis et de masses rocheuses est impressionnant. Par contre les efforts de réhabilitation de la route sont visibles, avec même quelques murs ou plateformes de soutènement en béton très récents. Un peu moins de pente mais de plus et plus de pierres sur la piste : la progression n’est toujours pas aisée.


               Altitude 2300m , le vallon terminal et le col

        Dernier kilomètre sous le col : on a du mal à trouver le tracé réel de la piste, qui est restée encore très défoncée à cet endroit. Marche à pied obligatoire. Les derniers mètres ne tiennent plus que du sentier.

          
          Vue du col, versant Est

En haut du col, le vent violent vous accueille. Un panneau signale la direction du sommet.


             Au col, vue sur le val de Suse

On a déjà une belle vue sur l’Oisans avec en premier plan la descente assez vertigineuse du sentier français.


                  Vue du col, versant Ouest, l'Oisans et le col de la Lause

 Courage, plus que 450 mètres de dénivelée en 3 kilomètres….un bon 15% de moyenne. Cela se présente comme un immense plan incliné dénudé qui se grimpe (très) partiellement à VTT suivant les zigzags bien tracés du chemin. Du minéral uniquement, avec les vestiges habituels des zones de forts : piquets métalliques, barbelés. Un énorme câble métallique au sol sur des centaines de mètres : reste du téléphérique ? A couper le souffle : la vue bien sûr, mais aussi le vent. Ce sera tout à l’heure impossible de descendre sur le vélo de peur d’être expédié d’un côté (la paroi) ou de l’autre (la pente !).

 
        Depuis la montée du Mont, le col du Chaberton     Altitude 3000m, les dernières rampes

        En quarante minutes on débouche presque avec surprise sur le glacis terminal : déjà ?  La plateforme, étonnamment plane et horizontale, sans une herbe, ne fait que quelques dizaines de mètres de côté. Autour, plus de 1500 mètres de vide, c’est impressionnant. Bien masquées par le glacis côté français, les 8 tourelles maçonnées qui servaient d’affûts aux canons.

              
                             Les tourelles et le glacis                    Le Mont Fratteve et les crètes de Sestrière

         Elles semblent presque intactes. Le fort lui-même montre des galeries voûtées en bon état, et des restes des dernières neiges. Un groupe d’italiens pique-nique à l’abri. Les logements et espaces de vie sont nettement plus bas, sur une plateforme bien dissimulée au Nord-Est.

         
           L'intérieur du fort

Comme le temps est menaçant, pas le temps de s’attarder, l’orage sur ces pentes dénudées doit être une épreuve plutôt désagréable ….

 

La descente

Précautions et marche à pied sont de rigueur dans les plus hauts kilomètres, mais un bon VTTiste par beau temps n’aurait pas de difficulté. La pluie fine tombe à l’horizontale maintenant, et donne à chaque caillou un curieux aspect en deux teintes clair/foncé. Les sautes de vent continuelles dissuadent d’enfourcher le vélo.

  
Le col vu du sommet. A gauche le col des 3 Frères Mineurs       Au col              

Soulagement en arrivant au col, et plongée du côté italien bien abrité. Rencontre de VTTistes qui font l’ascension à leur tour. J’en aurai compté au total 18 ce jour d’août, à vrai dire pas tous armés pour parvenir au sommet. Allemands, Suisses, Italiens, pas de Français ce jour là. Mais quel succès ce Chaberton tout de même !

Pas de problème pour retrouver la cote 2099, et y prendre la mauvaise piste forestière qui part vers le sud au dessus de bois et de prairies : le but est le col de la Cresta Nera, facile S3, à 1,5 km. Là survient un incident typique de cette zone du Piémont italien : soudain de forts aboiements de chiens, qui se rapprochent : deux gros « patous » surgissent de leur zone de garde en contrebas. Pas d’erreur à commettre, pas de provocation ni de bravade surtout : prévenu par les panneaux qui de loin en loin mettent en garde les promeneurs contre ces énormes bêtes, je me fais tout petit et m’accroupis à côté du vélo. Les « monstres » viennent me flairer (leur tête est au niveau de la tige de selle !) et en concluent après quelques hésitations que je ne constitue pas une menace pour le troupeau malgré mon goût pour le gigot d’agneau. L’un d’eux pisse sur ma roue arrière : tout va bien, je peux repartir ! Gentilles et magnifiques bestioles mais « pas fines » disent les autochtones…, donc prudence. Vous voilà prévenus.

  
                        La visite des patous                            Vers le col de la Cresta Nera

        Le col de la Cresta Nera se fait sans incident le retour (quelques aboiements inquiets au loin..) aussi. Les freins sont fortement sollicités….et c’est la route de Cesana qu’il faut bien remonter pour revenir. Une belle expérience pour tous ceux qui aiment la montagne et sa solitude grandiose.

              
La paroi Est du Chaberton vue du col de la Cresta Nera    L'empilage des lacets entre 2000 et 2200m

C’était le 7 août 2008, mes cols numéros 2972 et 2973, et mes « jeux olympiques » à moi.

Philippe Giraudin