De cols en menhirs

 

Généralement le mot "menhir" évoque spontanément la Bretagne. Il est vrai que cette région est un des berceaux de cette civilisation des "mégalithes" qui a laissé ses témoignages sur tout l'ouest de l'Europe. Rien à voir cependant avec les Celtes, ces monuments datent de la préhistoire, plus exactement du néolithique, époque à laquelle les premières communautés humaines se sédentarisent en pratiquant l'agriculture, l'élevage et en construisant les premiers villages. Cette révolution néolithique commence vers -8000 ans.

On connaît moins les mégalithes situés hors de Bretagne. Il en existe pourtant de magnifiques en Corse (site de Filitosa par exemple) et une des régions les mieux pourvues en monuments légués par nos très lointains ancêtres est le Rouergue ainsi que la région des Monts de Lacaune et du Somail. La randonnée "Cinquante Cols en Haut Languedoc" permet d'en découvrir quelques uns, certains sont même dressés au sommet des cols visités ! Je vous propose donc une découverte originale qui, sans oublier nos chers cols, nous fait côtoyer une époque encore mystérieuse dans beaucoup de ses aspects.

Le document ci-dessus montre que la région Lacaune - Somail  possède une trentaine de menhirs. Il s'agit donc d'un patrimoine considérable que le développement touristique local se doit de mettre en valeur (voir office de tourisme de Lacaune : un circuit de visite est organisé en calèche à cheval… on peut suivre en VTT !). Ces menhirs se rattachent à une "tradition" méditerranéenne car, ici, ce ne sont pas de simples blocs dressés mais au contraire des pierres travaillées, taillées (aplanies sur les deux faces, bord supérieur arasé..) et surtout ces menhirs sont sculptés. Ils ressemblent plutôt à des stèles sur lesquelles on peut reconnaître des personnages, masculins ou féminins, ou parfois de simples gravures dans le granit ou le grès rouge. C'est pour cette raison qu'on parle de statues-menhir. Il s'agit bien des plus anciennes statues que l'homme de la préhistoire nous ait léguées, les spécialistes les datent d'environ 5000 ans. Les découvrir au sommet d'un col ou le long d'un sentier, sous une futaie est toujours un grand moment d'émotion !

 

Sur  le circuit "Cinquante cols en Haut Languedoc" où à quelques encablures de celui-ci, on peut découvrir successivement :

1) Le menhir du Plos


photo de Nicole et René Poty

   

Il est très modestement dressé au bord de la route (D169). Pas de trace de sculpture. Après cette première visite, il est vivement conseillé de continuer plus au nord par D169 jusqu'au hameau de Paillemalbiau…

 

2) La statue-menhir de Paillemalbiau


photo de Nicole et René Poty

Dans le hameau, à droite, ne  pas manquer un modeste panneau: "menhir". Une des plus belles statues-menhir est là, chez un particulier, sous un abri la protégeant des intempéries. Elle a été découverte dans un champ lors d'un labour… Dans un bloc de grès rouge les hommes de la préhistoire ont représenté un des leurs. Était-ce un chef ? Un guerrier ? Un prêtre ? Nul ne le sait… mais il est là, devant nous.

 

3) Les statues-menhirs du Moulin de Louat (Mallevieille) près de Moulin-Mage et celle du "Trou de l'Avent" près de la route, juste avant le col de la Croix de Deux Sous.


4) A Lacaune : se rendre à l'office de Tourisme. On y découvre en vitrine une très jolie petite statue sur grès et on vous indiquera le chemin pour contempler le plus grand menhir de la région situé dans le bourg même.

 

5) Après La Salvetat, une charmante petite route permet d'accéder au col de la Bole. Au sommet du col vous attend un petit menhir…


photo de Nicole et René Poty

Sur sa face "ouest" on découvre avec peine quelques traces de sculpture...

 

6) Avant Fraisse-sur-Agout, prendre à gauche une route fort pentue qui conduit au Pioch (camping). A l'orée de la forêt on découvre un petit menhir qui semble indiquer un carrefour...


photo de Nicole et René Poty

 

 

7) Après Fraisse, on grimpe les cols du Triby et de l'Eyrole. Au sommet de ce dernier, prendre à droite une route qui perd vite son goudron et descend dans un bois. Au bout de 350m, on découvre une des plus curieuses statues menhir, celle de Picarel le Haut.


photo de Nicole et René Poty

La seule trace de sculpture est un profond sillon dégagé dans le granit. Situé au tiers supérieur du menhir, il permet d'imaginer la forme d'une tête (ou d'un disque… solaire ?) qui aurait été ébauchée…

 

8) Sur la D169, après Baissescure, prendre à gauche une RF qui conduit au lac de Vézoles qui se donne souvent quelques allures de lac finlandais.. Passer le mur du barrage et continuer jusqu'au col de Folabric où un beau menhir vous attend. Aucune trace de sculpture, cependant.

  
photos de Nicole et René Poty

 

9) Le dernier menhir est celui situé au sommet même du Col du Mas Haut… Il est bien modeste et il lui arrive de servir d'appui pour les grumes déposées là par les forestiers ! Le pauvre…


photo de Nicole et René Poty

 

Et la liste s'arrête là. Plus au sud, on ne découvre plus de monuments mégalithiques… Marquaient-ils le territoire d'une population précise qui avait investi les monts de Lacaune et du Somail ? Un peuple d'éleveurs pratiquant la transhumance sur les hauteurs en été ? Peut-être… c'est un des mystères des statues-menhirs !

René POTY

 

 

Pour en savoir plus :

- Visite au musée Fenaille de Rodez qui possède une prestigieuse collection de statues-menhirs.

-  Lire un bel ouvrage, très bien illustré :

Statues-Menhir, des énigmes de pierres venues du fond des âges
Dirigé par Annie Philippon
255 photos couleur et croquis - 22 x 28 - 272 pages - Broché avec rabats
ISBN : 2 84156 348 0

Puissante et mystérieuse expression de l'art néolithique, les statues-menhir sont parmi les plus anciennes représentations humaines de grande taille. Dressées il y a plus de 5000 ans, elles continuent à susciter de nombreuses questions : représentent-elles des divinités, des héros, des personnages du commun ou des chefs de clan ? Qui les a érigées et dans quels buts ? On en a trouvé par groupes entiers sur le pourtour nord du bassin méditerranéen, dont sans doute l'un des plus importants ensembles dans le Rouergue. Quatorze auteurs réunis par Annie Philippon, conservateur du musée Fenaille, apportent des réponses scientifiques à ces questions et avancent des hypothèses pour expliquer les caractéristiques les plus déconcertantes des statues-menhirs : tatouages, changements de sexe, présence d'un objet inconnu... Pour Pierre Soulages, les statues-menhirs, c'est "la densité, la frontalité, l'impression d'une puissance permanente. On sait qu'elles sont préhistoriques, mais leur présence, leur force, surgies du passé, les font aussi y échapper et nous en oublions leur origine. Elles sont là, devant nous, énigmatiques et fascinantes".