Circuit de Tende-Est

Le 1er Juillet 2004

             Le départ tardif en VTT du camping de Fontan à 8h00 du matin à l’amorce d’une telle journée, peut faire sourire, mais, comme toujours, je fainéante plus ou moins consciemment, retardant ainsi, le moment du départ du périple, donc, de la souffrance.

             Je remonte la N204, dépasse St Dalmas de Tende, La Brigue et arrive en fin de macadam à Notre-Dame des Fontaines. J’engage le chemin, le long, à gauche de celle-ci. La montée du col Linaire se compose en trois parties : montée relativement aisée au début ; puis replat le long du flan de montagne, avec vue sur La Brigue ; enfin, la pente s’affirme très sèchement après la prise du chemin "à gauche toute" à la cote 1236. Si, si, c’est bien ce mur de terre et de pierres qu’il faut "empreinter". Le col Linaire (1430 m) est boisé et la vue, de ce fait, est limitée. Je continue sur le chemin montant de droite, passe devant une fontaine, et débouche ensuite à la baisse de Sanson (1694 m). Le ciel est couvert en dessus et en dessous. J’atteins la baisse de Sanson-Est (1680 m) où, à la statue de la vierge, je poursuis à droite sur le versant italien. C’est environ 3 kms de plat, voire, de légère descente, sur ce chemin de ceinture, pour arriver au pas de Colle Ardente (1599 m). Il est situé, à gauche d’un embranchement, en laissant filer la piste italienne, après 30 mètres de remontée. 

             Maintenant, sur le versant français, la pente s’accentue, les pierres s’accumulent, deviennent de plus en plus grosses et si l’on butte ou dévie sur celles-ci, amenant une perte d’équilibre et la mise d’un pied au sol ; alors, il devient très difficile de repartir. Le chemin R1 devient R2. Je n’ai pas bien vu le col de la Lariée (1956 m), mais il semble qu’il y ait un plateau, sensiblement à même hauteur du virage droit à 90°, matérialisant ce passage sur le terrain et confirmé par la carte. Les hectomètres suivants sont très pentus (13 à 14 % selon mon pifo-inclinomètre perso) avérés par le ratio altimètre/compteur. Je passe sous la ficelle tendue, entre un abri en parpaings couvert et un piquet de clôture, qui entrave l’arrivée au pas du Tanarel (2045 m) Je mange une barre de céréales, bois quelques grandes gorgées d’eau, puis satisfais un dernier besoin physiologique, le vent dans le dos.

             De nouveau en Italie, j’amorce la courte descente et remontée au pas de Basera ou Bassère (2041 m) Le chemin continue à monter jusqu’au pas du Saccarel (2145 m) .Un vent violent souffle, venant de France, remontant le vallon de Dornin. Cela siffle et l’on aperçoit des nuages plus gris, malgré la couverture, remonter et t’arriver dessus à pleine vitesse. Je me suis surpris à baisser la tête pour les éviter. J’ai continué à regarder le spectacle accroupi, la tête seulement, dépassant entre deux rochers, ayant ainsi, moins à résister au vent. Cette force est tout de même impressionnante et surprend. Bon, il faut reprendre son bonhomme de chemin, et tout en me retirant de l’arête, des éclats de rires de marcheurs italiens volubiles, me parviennent. Je repars en laissant dans mon dos la statue de "Il Redentore". Les marcheurs italiens se sont séparés : deux ont pris le sentier sur la crête en redescendant vers le pas de Basera et trois autres me suivent. C’est plus calme sur ce versant à l’abri du vent et les clameurs se sont tues. Je repasse le pas de Basera. A la croisée du chemin remontant vers le pas de Tanarel et la descente en lacets du chemin que je vais emprunter, je photographie la zone pastorale, avec des points blancs dans le bas, que je prends pour des moutons. Je fonce.

Vaches dans la descente du Pas de Basera sur le versant italien 

             Les moutons grossissent de plus en plus, et d’ovins, ils deviennent bovins. La carte 3941 OT ne m’est plus utile momentanément ; le bord droit s’arrête au niveau des derniers lacets. Je file vers les deux bâtiments d’alpage disposés de chaque coté d’une piste roulante, et très facilement, je passe le passo Della Porta (1850 m). Je constate qu’il y a des plantes à feuillage vert , poussant en bouillées, d’une cinquantaine de centimètres de haut avec une multitude de fleurs roses. Je ne sais pas ce que c’est. Je prends une photo, me disant que quelqu’un, plus tard, pourra me le dire. Je ne connais toujours pas leurs noms.

 Fleurs au Passo della Porta

             Plus loin, un bassin alimenté par un tuyau d’eau, m’invite à une pause. Une banane, une compote et quelques gorgées d’eau sont dégustées. Les passagers d’un 4×4 immatriculé dans la Drome me saluent en agitant leurs mains. Ils semblent étonnés de voir un vététiste solitaire se restaurant, assis sur le bord du bassin. Il est vrai que cela fait déjà un petit moment que j’ai croisé un être vivant, mis à part les italiens. Et pourtant, des paires d’yeux vous regardent et vous voient. C’est ce berger, juste au-dessus de moi, que je découvrirai au col de l’Evêque ; c’est des marcheurs qui circulent en crête, ou bien encore les marmottes et les rapaces avec leurs cris stridents, sans oublier les vaches.

             Il est 13h30 passées, je décolle mon séant de la pierre pour le remettre en selle. Il en reste à faire. Déjà ; d’ici, c’est 1 km avec presque 100 mètres de dénivelée pour atteindre le col de la Celle Vieille (2099 m) Quelques mouches commencent à me tourner autour et à la vitesse à laquelle je progresse, je ne suis pas prêt de m’en débarrasser. Au col, j’escalade le vélo sur l’épaule, la dizaine de mètres de rochers, en assurant bien les pieds et la main encore disponible afin de ne pas glisser et chuter bêtement (HS 4) Je remonte sur le vélo et pars, à gauche, vers le sentier de crête. La pente est rude, je pose pied et continue en poussant sur ce sentier très aérien. Sur le haut, je me remets en selle. Il faut être très fin au niveau pilotage, car, vu l’à-pic, l’erreur serais fatale. Courte descente et arrivée au col de l’Evêque (2161 m) où je découvre le berger et ses bêtes. D’ici, j’aperçois assez nettement l’endroit où je me suis arrêté, ainsi qu’un bâtiment d’estive, situé dans le bas de la pente. Le même chemin est effectué en sens inverse pour revenir au col de la Celle Vieille.

En allant au Col de l’Evêque

             Les insectes sont de plus en plus nombreux, et un taon a eu raison de mon cuir. La nuée me suit ; ils se posent partout : le nez, les joues et les jambes. De nouveau, un taon a eu ma peau en réussissant à me piquer derrière l’épaule au travers de mon maillot. Je brasse de l’air avec un bras, frappe de la main, gesticule et je me rends compte que plus je monte vers le passo Di Flamalga, plus les diptères se font rares. L’arrêt du passo Di Flamalga (2179 m) sera court ; juste le temps de le noter sur mon bloc et je repars. Continuant la montée, je croise des vététistes qui arrivent légèrement distants les uns des autres. Le premier stoppe à mon coté et les suivants s’agglutinent autour. Les derniers arrivants sont légèrement hagards et paraissent quelque peu "entamés". Ce sont 9 suisses qui sont inquiets sur la nature et les difficultés du terrain qui leur reste à parcourir pour rallier Tende. Nous commentons mes informations, chacun avec sa carte, les altimètres-2230 mètres pour moi et 2240 pour lui-, ainsi que divers repères pour arriver à bon port. Mis à part le col de la Lariée, en descente, cela va s’arranger pour eux. Quant à moi, ils me promettent la galère : la pierraille ! Cent mètres plus loin, à l’un des apogées du parcours, je photographie le mur de neige fondant, évolution d’un énorme névé qui ,il y a encore peu de temps, devait barrer la piste.

Névé entre le Passo Di Flamalga et le Col des Seigneurs

             De là, commence un peu de roue libre, mais les cailloux deviennent plus nombreux au fur et à mesure de l’approche du collet des Seigneurs (2111 m) Il faut freiner pour garder une trajectoire sûre, exempte de prises de risques inutiles. Au col, je prends des notes et file vers le col de Marguareis en légère descente, mais les cailloux ont grossi, encore plus nombreux, devenant un lit de pierraille instable. La galère, promise par les Suisses, commence. Autour, le relief est devenu chaotique. La roche a blanchi. Comme je l’ai lu par ailleurs, c’est karstique ; il y a des gouffres et l’on fait de la spéléo dans le coin. Maintenant, dans ce faux plat, je roule en dehors du chemin, sur les sentes tracées par les animaux, sur le coté. J’ai passé le col de Marguareis (2085 m) sans trop m’en apercevoir, absorbé par un pilotage délicat et plusieurs passages à suivre, ressemblent à des cols. La piste devient de moins en moins cyclable. Les pierres, conjuguées à la pente, me valent des poussages assez contraignants. (R3 à un endroit) Deux névés de plusieurs dizaines de mètres chacun, presque accolés l’un à l’autre, entravent toute la largeur de la piste, mais, sont passés facilement.

Névés en montant du Col de Marguareis au Col du Chevolail

             Je suis passé au col de Chevolail (2235 m) par un temps teinté de grisaille et je poursuis sans m’arrêter, afin d’éviter de perdre davantage de temps. De même, je ne ferai pas la colle Plane, qui m’aurait valu, lui aussi, encore du poussage et du temps de perdu. Dans la descente qui suit, cela roule un peu mieux, et, arrivé au fond du vallon, je croise 2 motos, dont l’une, a un enfant comme passager. Cent cinquante mètres de remontée et me voilà au col de la Boaïra (2102 m) Là, j’ai une conversation avec un italien sympa, lunettes de soleil à la "Starsky", auprès d’un 4×4 arrêté le long d’un bâtiment d’estive. Il me demande, entre autre, si le chemin d’où je viens est « aperta » Je lui fais comprendre qu’il reste de la neige dans un passage. Il me remercie et je crois saisir qu’il me souhaite bonne route.

             Je continue la montée en corniche sur 400 mètres en poussant le vélo (la pente et les pierres) et je fais un arrêt au lacet gauche pour regarder l’à-pic. C’est assez impressionnant et seul mes yeux dépassent du muret, les mains en appui, les fesses bien en arrière, de peur que le vide m’attire et m'entraîne. Encore quelques hectomètres de poussage, et à l’amorce de la descente, le chemin s’améliore (R1) Je passe le col de la Perle (2086 m), le colletto Gias Della Perla (2105 m) et le col Campanino (2142 m) où je croise 2 motos alors que j’entame la descente roulante. Je longe la gare d’altitude, passe sous les câbles des remontées mécaniques. Le paysage me paraît moche et dépouillé à cet endroit.

             J’arrive à ce qui me paraît être un col ; borne 200, balise de rando des Alpes Maritimes n° 338. Par la suite ; j’en déduirai que c’était le col Cannelle (1882 m) Pendant que je regarde ma carte, arrive un grand vététiste, légèrement bedonnant, frisant le quintal, chaussures de marche dans des cale-pieds à courroies, sur un VTT sans suspension et freins cantilevers ! Cet homme, anglophone, me demande « do you speak english ? » Ma réponse négative a l’air de le contrarier quelque peu et il se dit que cela ne va pas être facile, mais j’ai cru comprendre que son VTT était une location, et qu’il voulait aller jusqu’au col de la Boaira. Je lui trace le chemin avec mon doigt sur ma carte, et après encore quelques bla bla, un peu en dialogue de sourd, je lui dis « good luck » Sur-ce, je me trompe de chemin et prends la direction du fort Tabourde. C’est en voyant, de trois-quarts face droite, les lacets du col de Tende que j’ai compris mon erreur. Demi-tour, et je fonce : presque 9 heures que je suis parti.

             Je roule vers la caserne après être passé à une échancrure, sur laquelle je suis monté quelques mètres au-dessus du chemin, sans croire que c’était le col de Tende-Est (1890 m). Je suis en décalage depuis le col Cannelle ; ces deux cols n’étant pas indiqués sur ma carte. La fatigue émousse ma faculté d’analyse du terrain. Un dernier coup d’œil à la carte, posément, calmement, et me voilà sur la bonne trace. J’en déduis que le dernier col passé n’était pas le col Canelle, mais Tende-Est. J’y repasse et entame la descente vers le col de San Lorenzo.

             C’est roulant et je déboule, quand soudain, deux femmes me font signe de m’arrêter. Je bloque tout, et cesse ma course entre deux italiennes. L’une me dit qu’elle a vu un animal et me demande si cela ne serai pas une « marmotta ». « C’est possible ; j’en ai vu une ou deux aujourd’hui » répondis-je, l’effet de stupeur passé. L’italienne de droite ; gabarit "mamma", qui parle un peu français, ramasse des fleurs et me demande si cela n’est pas interdit. J’avoue ne pas savoir et prends congé de ces deux charmantes personnes. Je franchis le col San Lorenzo (1801 m) et continue à gauche, en montée vers le col de Tende (1871 m) que j’atteins dix minutes après. Court repos avant de descendre les 48 lacets, ou, sur la fin, les disques de freins couinent. Je rejoins la N204, et à l’entrée de Tende, je croise le "Starsky" italien qui, dans son 4×4, avec un grand sourire, me fait un signe de la main qui met un coup à ma tendance misanthrope. Plus loin, après Tende, un 4×4 avec une remorque, suivi d’un autre, klaxonnent, me doublent et à-bord desquels l’on me braille des encouragements. Le CH, à l’arrière du second véhicule, me fait penser que dans la haute remorque bâchée du premier, 9 VTT son hyper-bien rangés et arrimés. Rapides, ces Suisses-là !

 Bilan : 22 cols dont 12 à +2000 m ; 113 km en 9h32’ de temps de roulage et 12h10’ de temps total. 3010 m de dénivelée positive.

 

nom libellé alt. ref C.C.C dpt/pays
Linaire col de 1430 FR-06-1430 Alpes-Maritimes/France
Sanson ouest baisse de 1694 FR-06-1694 Alpes-Maritimes/France
Sanson est baisse de 1680 FR-06-1680a Alpes-Maritimes/France
Colle Ardente pas de 1617 FR-06-1599 Alpes-Maritimes/France
Fraches baisse des 1599 FR-06-1599a Alpes-Maritimes/France
Lariée col de la 1956 FR-06-1956 Alpes-Maritimes/France
Tanarel pas de 2045 FR-06-2045 Alpes-Maritimes/France
Bassère (Basera) pas de 2041 FR-06-2041 Alpes-Maritimes/France
Saccarel pas du 2145 FR-06-2145 Alpes-Maritimes/France
Porta passo della 1850 it-cn-1823 Italie
Celle vieille col de la 2099 FR-06-2099 Alpes-Maritimes/France
Evêque col de l' 2161 FR-06-2161 Alpes-Maritimes/France
Framargal passo  di 2179 it-cn-2179 Italie
Seigneurs collet des 2111 FR-06-2111 Alpes-Maritimes/France
Marguareis col de 2085 FR-06-2085 Alpes-Maritimes/France
Chevolail col de 2235 FR-06-2235 Alpes-Maritimes/France
Boaire (Boaïra) col de la 2102 FR-06-2102 Alpes-Maritimes/France
Perle col de la 2086 FR-06-2086 Alpes-Maritimes/France
Gias della Perla colletto 2105 hors catalogue Italie
Campanino colletto 2142 it-cn-2142 Italie
Cannelle col de 1882 FR-06-1882 Alpes-Maritimes/France
Tende est col de 1890 FR-06-1890 Alpes-Maritimes/France
San Lorenzo col de 1801 hors catalogue Italie
Tende col de 1871 FR-06-1871 Alpes-Maritimes/France

Michel Hermelin, n° 4627

Voir le circuit du TOPO N°3 page 46.