LE BALCON DU SOULOR

Sylvie BODIN REMOND
Les CycloTouristes Parisiens
N° 3274

 

  C’est une de ces journées comme nous, cyclo-montagnards, les apprécions. En ce jour d’août, le beau temps avait fini par revenir sur la chaîne pyrénéenne. C’est sereinement que nous quittons Aucun pour attaquer d’entrée la montée du col de Couraduque quelques 500 mètres au-dessus de nos têtes. Nous moulinons tout en posant nos regards sur les cimes avoisinantes. Didier en profite pour photographier, tant le paysage est somptueux. Je prends ainsi une petite avance et m’en vais l’attendre un peu plus haut à l’ombre d’un chêne.

  A peine m’a t’il rejoint, qu’il m’apprend que son appareil s’est bloqué, que le déclencheur ne fonctionne pas. Ayant hésité à redescendre à la voiture en chercher un autre, il a préféré ne pas me faire patienter. Nous continuons jusqu’au col où déjà les randonneurs pédestres vont bon train. Pendant que Didier démonte son réflex, je vais consulter le plan des circuits VTT qui est affiché et qui sert aussi aux fondeurs l’hiver venu. Nous prendrons à droite pour aller, via un aller-retour, chercher le col de Couret. Le 24x36 rangé au fond de la sacoche, nous attaquons la piste parmi les conifères aux odeurs de résine. Nous réveillons presque des campeurs qui dorment encore dans leur van stationné au beau milieu du col. Nous finissons notre boucle en revenant à notre point de départ. En voilà un de facile.

  Désormais nous allons suivre plus ou moins la crête jusqu’au col du Soulor, oscillant entre 1350 m et 1570 m. A cette altitude, l’air est pur, loin de nos villes polluées. Le paysage est dégagé jusqu’aux coupoles de l’observatoire du Pic du Midi de Bigorre qui brillent sous l’astre du jour. Pour atteindre le col de la Serre à 1458m, la pente est un peu plus rude à son départ. Des marcheurs nous laissent passer devant, restant perplexes à voir des cyclos passant sur des chemins muletiers, munis de vélos traditionnels. La pente à raison de moi, et je finis à pieds pour rejoindre le replat qui mène au col.

  De là, plusieurs pistes partent de tous côtés. Suivant le circuit du Topo n°3, nous optons pour celle de gauche. Le prochain col est situé face à nous, mais la forêt nous le cache. La large piste est très roulante. Après un grand lacet sur la droite nous sortons en vue du col de Bazes (1509m) qui se détache bien sur le bleu azur. C’est un beau col, bien dessiné, dominant les alpages où retentissent les clarines. Tout en suivant la même courbe de niveau, notre piste nous mène droit sur lui. Il n’est pas 11 heures et déjà le moindre sentier indique la présence de nombreux pédestres. J’adore de temps en temps ces cols qui ne nécessitent pas d’en suer pour les escalader. Et celui-ci en fait partie. De plus, d’ici, la vue s’étend dorénavant vers l’ouest, et ce qui scintillent tout là-bas, ce sont les voitures garées au sommet de l’Aubisque, un nom qui me fait peur. Il y a quelques jours, nous y passions en voiture dans un brouillard à couper au couteau.

  Nous continuons désormais sur l’autre versant. Soudain je m’arrête, en effet nous traversons un champ de myrtilles et je m’empresse de cueillir le maximum de baies noires. Pendant cette pause, Didier lui s’en va cueillir le col de Berbeillet situé au-dessus du champ. Chacun étant rassasié à sa façon, nous reprenons notre route vers le lac de Soum. Nous stoppons sur la crête pour le pique-nique dans un petit abri où des bancs nous accueillent. Nous nous situons sur un col géographique, mais dépourvu de panneau. Il fait bon prendre un peu le soleil, dans un ciel sans nuage, où le silence est juste perturbé par les sonnailles des bovins. Etant repus, nous franchissons le col de Soum et celui de Mauben (1549m). Nous commençons à croiser quelques voitures, preuve que le Soulor se rapproche. En effet tout en suivant le GR, nous arrivons à l’aplomb du col et dévalons tous freins serrés la piste qui finit sur le parking.

  Il y a foule et chacun s’empresse autour des cafés, marchands de souvenirs et de produits locaux. Nous traversons l’asphalte et nous dirigeons toujours par le GR10, vers le col de Saucède. Au bout de 5 mn, sans avoir trop croisé de randonneurs, nous arrivons à l’échancrure de celui-ci. De là notre vue plonge sur la Corniche du Litor et l’on regrette encore de ne pouvoir fixer cela sur une pellicule. Il n’est que 14 heures et la question fatidique tombe, allons nous monter à l’Aubisque ? Didier me persuade que c’est le jour ou jamais, ce n’est pas très loin, la corniche est exposée à l’ombre et surtout c’est le plus haut BCN/BPF du département. Nous attaquons la petite descente du Soulor et c’est déjà le premier tunnel. La particularité de la corniche ce sont ces vaches qui bouchent sans cesse la route et qui donnent ainsi, du cachet au paysage. C’est moins dur que je le pensais jusqu'à la borne des trois derniers kilomètres. La pente est soudain plus raide et le flux des voitures devient plus dense, sans oublier les bouffées de diesel que l’on respire quand un camping-car en profite pour changer de rapports quand il vous double. Encore un bref effort pour rejoindre le terre-plein du col et ses 1709m. Une pause boissons fraîches et tartes aux myrtilles s’impose.

  Pendant que je reprends des forces en remplissant mes cartes BCN et BPF, Didier s’en va quérir le col de Casteix de l’autre côté de l’antenne de télécommunications qui surplombe Gourette. Il revient un bon quart d’heure plus tard, ravi de sa balade empruntant les sentiers muletiers. Il est temps de redescendre avant que les quatre roues reprennent le bitume. Quelques cyclistes en finissent avec l’escalade côté Laruns. Nous nous lançons dans la descente, et c’est réellement plus agréable. Parfois c’est un peu la guerre avec les automobilistes qui n’aiment pas se faire doubler par un vélo, surtout manœuvré par la gente féminine. Il faut faire encore attention aux troupeaux qui occupent les tunnels, mais bien vite, nous avalons le raidillon du Soulor, alors que derrière un bouchon se constitue à cause d’une bonne laitière qui s’est tout simplement couchée sur le bitume. Une dernière vision sur le Litor dont la roche brille par endroit sous l’éclat du soleil. Nous allons pouvoir nous griser de vitesse dans la descente jusqu'à Arrens. Un dernier gâteau basque avalé et nous rejoignons notre véhicule laissé à notre point de départ. C’est alors qu’en voulant changer d’objectif, que Didier s’est rendu compte que le déclencheur refonctionnait. Dommage pour les diapos, car aujourd’hui c’était vraiment une de ces journées comme nous, cyclo-montagnards, les apprécions.