La journée du patrimoine

Dimanche 20 septembre ; c’est la journée du patrimoine ! Ce jour-là, nous décernons aux cols ; lieux de communications, d’échanges, points stratégiques, sites panoramiques et buts de nos rencontres, le titre de " Patrimoines Nationaux "

En cette belle journée d’été finissant, nous nous devions d’honorer cette promotion de façon particulière. Naturellement, le choix d’un site mémorable s’imposait.

Dans le Beaufortain, région qui a su garder son identité, conserver les valeurs ancestrales de l’élevage, de l’agriculture et de l’habitat, et résister au tourisme tentaculaire pour lui garder une dimension humaine, le Cornet d’Arèches nous servira d’ambassadeur.

Nous devrons peut-être lutter avec la neige tombée la veille aux alentours de 2000 m, mais, les crêtes immaculées qui se découpent sur un ciel bleu, suffisent à notre bonheur. Après Aime, nous empruntons la route qui, à flanc de montagne, en longeant le torrent, nous conduit lentement mais sûrement jusqu’au hameau de Laval (1650 m), niché à la limite supérieure de la forêt et première sentinelle de l’Alpe. La piste rocailleuse qui la prolonge, avec ses douze virages en épingles, nous élève ensuite jusqu’au Cornet d’Arèches.

A Plan Pichu, nous avons rencontré un troupeau de vaches à robe fauve et grands yeux noirs, dignes malgré leurs cornes sciées. Tout juste ont-elles prêté attention à nous. Les premiers névés se dessinent et nous approchons de la neige. Au col, l’air est vif et le panorama restreint. Nous décidons alors de pousser jusqu’au col de la Grande Combe (2356 m). Une pancarte nous en indique la direction et la piste est large, accueillante, tentatrice et trompeuse. Lorsqu’elle s’arrête, nous devons continuer en poussant sur un sentier abrupt et boueux et après une heure d’efforts, nous voici sur une crête dans un site que nous croyons être, au premier abord, notre col. Hélas ! L’étude approfondie de la carte nous donne la certitude que nous nous sommes trompés. Il nous faut rebrousser chemin et, revenir à notre point de départ, où un chasseur nous confirmera la bonne direction, suivie maintenant avec beaucoup plus de concentration. Un sentier très escarpé qui conduit au col nous oblige à mettre rapidement pied à terre et nous devrons pousser jusqu’au terminus. Un changement de cap nous amène sur un promontoire d’où l’on peut découvrir les alpages de la vallée d’Arèches, avec à nos pieds, 750 m plus bas, la goutte d’eau bleue de treize millions de m³ du barrage de Saint Guérin.

Sur la ligne de crête nous reprenons la direction initiale et le col est bientôt en vue, mais, nous devons nous débattre maintenant dans 30 cm de neige fraîche. Ceux qui ont des garde-boue apprendront à leurs dépens qu’elle a la fâcheuse propension à coller aux pneus et ainsi, bloquer les roues.

Enfin, voici le col de la Grande Combe ! Le panorama est grandiose, impressionnant et sauvage. Le vent souffle et le froid est vif ; nous sommes ici en relation directe avec le Grand Nord. La face nord de la Pierre Percée est noire et sombre, et le brouillard s’installe déjà en écharpes inquiétantes. Nous aurions aimé pousser jusqu’au col des Génisses, même altitude, là, juste en face, mais dans la neige et le brouillard qui s’épaissit... Big problem ! Après consultation, vote, palabres et autres, nous reprenons nos traces en sens inverse et la descente, quoique acrobatique ne se passe pas trop mal. Nous retrouvons nos vaches à cornes sciées qui attendent sagement l’heure de la traite.

A 1200 m nous reprenons contact avec le soleil et la chaleur est revenue, tout à l’heure nous étions dans un autre monde, froid, hostile et inquiétant. Que nous avons bien fait de ne pas provoquer les génies de la haute montagne !

Les romains le savaient aussi ; pour s’attirer leurs bonnes grâces, n’avaient-ils pas construit à Aime une basilique (édifice à base rectangulaire) ? Les Mérovingiens les ont imités et l’architecture romane du 11eme siècle nous a légué sur ces bases, un magnifique monument à l’intérieur décoré de fresques aux soubassements occupés par une crypte discrète et même austère.

La visite était gratuite ce jour-là, journée du patrimoine oblige !

Noël MARTHELET , N° 1211, de BOZEL (Savoie)